1984 – Geroge Orwell

Nourhene NOUREDDINE

Au début du XXe siècle, de nombreux écrivains ont été les témoins directs des grands événements historiques, les deux guerres mondiales, la montée des extrémismes politiques et l’instauration de régimes totalitaires dans certains pays. Georges Orwell en fut un, et décida alors de s’engager avec ses écrits pour dénoncer les dérives du totalitarisme et les dangers des manipulations de la pensée.

En 1948, G. Orwell a pensé son oeuvre comme une dystopie dépeignant un monde futuriste (l’an 1984), de prime abord fictif, qui nous décrit une société épouvantable qui pourrait devenir notre présent. Ce genre littéraire, en évitant à l’auteur les éventuels « risques » de décrire une situation réelle ou d’actualité, permet au lecteur d’appréhender le livre sans a priori qui seraient susceptibles de miner idéologiquement sa compréhension. En clair, ce livre est intemporel pouvant être généralisé sur n’importe quel système de pensée qui s’extrémise.

Contexte de l’histoire

L’intrigue se déroule en 1984, le monde est divisé en trois grands Etats principaux dirigés par des régimes totalitaires : l’Océania (les Amériques, les îles de l’Atlantique y compris les îles Britanniques, l’Australie et le sud de l’Afrique), l’Estasia (comprenant la Chine et ses contrées méridionales, les îles du Japon, la Mandchourie, la Mongolie et le Tibet) et l’Eurasia (toute la partie nord du continent européen et asiatique, du Portugal au détroit de Behring). Ces trois super-états sont en guerre d’une façon permanente depuis vingt-cinq ans.

Cet état de danger continu vendu par le gouvernement et son appareil de propagande n’est pas fortuit. En effet, ceci permet de concentrer les préoccupations des citoyens vers un ennemi perpétuel et de justifier la
suppression de toutes les libertés pour instaurer in fine un état totalitaire.

Winston Smith, le personnage principal, est un citoyen Londonien des plus ordinaires, travaillant au Ministère de la Vérité. Son boulot consiste à corriger le passé et l’histoire officielle pour les faire correspondre à chaque fois aux prédictions du chef de l’état “Big Borther”.

Après des années d’endoctrinement et de conformisme sans faille, il commença peu à peu à ouvrir les yeux sur la situation catastrophique d’Océania et entama la transcription de ses réflexions subversives dans son journal personnel. Mais au final, il fut découvert et on le tua, malgré sa repentance…

La vie à Océania

Le gouvernement d’Océania contrôle les actions et les paroles des habitants en permanence, il surveille leurs moindres faits et gestes à l’aide de télécrans installés partout dans la ville, même à l’intérieur des maisons : « La moindre chose pouvait nous trahir. Un tic nerveux, un inconscient regard d’anxiété, l’habitude de marmonner pour soi-même, tout ce qui pouvait suggérer que l’on était anormal, que l’on avait quelque chose à cacher .»
Mais aussi à l’aide d’une police spécialisée, appelée Police de la pensée dont le rôle est de traquer les personnes ayant commis ‘des crimes’ à l’encontre du Parti.

La population est constamment inondée par des flots de propagande, basés sur des faits historiques et des statistiques construites de toute pièce par le Ministère de la Vérité : « Ce processus de continuelles retouches était appliqué, non seulement aux journaux, mais aux livres périodiques, pamphlets, affiches, prospectus, films, enregistrements sonores, caricatures, photographies. […] L’Histoire tout entière était un palimpseste gratté et réécrit aussi souvent que c’était nécessaire. […] Jour par jour, et presque minute par minute, le passé était mis à jour. »

Voulant avoir plus de contrôle, le Parti de Big brother décide de créer une nouvelle langue « Le novlangue ». Même si ce dernier est inspiré de la langue actuelle (l’anglais), on se retrouve très souvent avec des phrases novlangues tout à fait incompréhensibles malgré l’absence de nouveaux mots. Ceci est dû au fait que le but inavoué du novlangue est de réduire le vocabulaire des citoyens à des mots simples, d’ordre pratique, ce qui conduit inévitablement à la réduction du champ de la pensée et de toute velléité de dissidence. À titre d’exemple, le mot ‘libre’ existait encore en novlangue, mais ne pouvait être employé que dans des phrases comme ‘le chemin est libre’.
Il ne pouvait être employé dans le sens ancien de ‘liberté politique’ ou de ‘liberté intellectuelle’.

L’Angsoc et ses slogans

« La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force ».

3 slogans du Parti… 3 vérités absolues pour la société.

  • La guerre c’est la paix : signifie que pour avoir la paix, il faut tolérer les horreurs de la guerre. Avoir un ennemi commun unit les habitants d’Océania et les aide à rester sur le même chemin, et les empêche aussi de devenir conscients des réels problèmes de leur société. Si les citoyens ont des pensées qui vont à l’encontre des discours du gouvernement, ils peuvent rapidement se distraire en pensant à la guerre et en s’inquiétant de la possibilité d’une attaque.
  • La liberté c’est l’esclavage : d’après le Parti, une société basée sur le libre-arbitre est vouée à l’échec. Tous ceux qui veulent se soumettre à la volonté de la société, qui est par définition, la volonté du Parti, seront libérés du danger et ne manqueront de rien. La liberté à Océania signifie la liberté de faire et de penser ce que veut le Parti, sans déroger aux règles.
  • L’ignorance c’est la force :
  • c’est l’ignorance volontaire des contradictions évidentes. Les citoyens sont censés enterrer la vérité et accepter l’irrationalité. C’est cette ignorance qui maintient le pouvoir du Parti et la ‘cohérence’ de la société. Car ce n’est que par l’ignorance que les gens peuvent trouver la force de vivre dans une société totalitaire où le gouvernement les opprime tout en leur indiquant à quel point ils ont de la chance.

Avec ces slogans, Orwell introduit un nouveau concept, celui de la double pensée : connaître et ne pas connaître. C’est le pouvoir de garder à l’esprit simultanément deux croyances contradictoires, et de les accepter toutes les deux.

Énoncer en même temps une chose et son contraire produit une désintégration de la conscience, l’individu possède deux idées incompatibles et dénuées de tout lien.

Conclusion

1984, c’est maintenant !
Les caricatures de Georges Orwell semblent irréelles ou fantasques mais peuvent se révéler très proches de notre réalité, quand on les regarde avec un oeil vigilent.

Nous vivons dans des sociétés où nous sommes constamment surveillés : écoutes téléphoniques, vidéosurveillance, profilage numérique… Nous assistons à une réelle disparition de la vie privée.

De plus, l’on remarque qu’énormément de mots ont été supprimés de notre vocabulaire. En général, on peut exprimer tout ce qu’on pense, car nous avons besoin de mots pour accomplir cette activité mentale. Par conséquent, une pensée ne peut exister sans langage. Par exemple, qualifier une situation de « cool ». Que veut dire ce mot ? Enthousiasmante, intrigante, burlesque, exaltante, loufoque… ? Ce mot fourre-tout, interdit toute nuance ou précision dans la pensée. On se retrouve dans l’impossibilité de penser ou d’argumenter ou d’expliquer la multitude de sentiments que peut nous inspirer une situation donnée.

Enfin, la prophétie de George Orwell se trouve réalisée aujourd’hui. Il ne fait pas que donner une description du totalitarisme existant, mais nous avertit que le phénomène pourrait se produire et nous montre par la même occasion ce que l’on doit préserver pour éviter l’enfer d’Océania : La liberté, la pensée et l’histoire.