Quatrième Numéro (N°3) : Les Maladies de Surcharge

Les Idées Totalitaires

Que sais-je ? Rien, répondrait Socrate. Le savons-nous ? Socrate au moins le savait. La vie pratique serait impossible sans affirmations, sans certitudes, comme ces lignes visant à les bousculer… mais elle serait plus stimulante avec le doute.

De prime abord, le doute supposerait un état d’hésitation, de tourmente et de désorientation par rapport à la boussole de la vérité, alors qu’en réalité, le doute ne fait que secouer l’arbre des certitudes pour faire tomber les idées mortes. Il sert à aguerrir et à éprouver la résistance de nos certitudes. Il représente une balise nécessaire dans la route de la connaissance pour nous permettre de retenir non pas ce qui est certain mais ce qui est probable, car la rationalité n’est qu’une logique de vraisemblance.

Dans ce sillage, le thème du quatrième numéro (N°3) « Les Maladies de Surcharge », sera développé avec adresse dans la Rubrique ScienSea à travers les articles « Iron Overload – All in Moderation, Nothing in Excess » et « Glycogen Storage Diseases – A Complex Problem Behind Complexed Sugar », qui mettent en lumière les fines interactions biologiques dont l’adaptation méticuleuse assure un équilibre parfait entre les besoins internes et les changements de conditions externes. Des processus complexes qui abhorrent toutes les sortes d’exagération.

Peut-on avoir une pensée équilibrée avec autant de certitudes dogmatiques ? La certitude est-elle un gage de vérité ? L’année qui vient de s’écouler a engagé l’Algérie dans un mouvement révolutionnaire, caractérisé par une succession d’événements inspirant l’espoir mais surtout le flou et l’appréhension, cependant, elle fut paradoxalement surchargée de certitudes. Au moment où nous avions le plus besoin de lunettes correctrices pour mieux voir, alors que l’information fiable se faisait rare, l’analyse, l’interprétation sur les réseaux sociaux sont devenues une marchandise, produite à grande échelle. Certains intellectuels ont eu l’idée étrange d’entrer dans le Cinéma. Chaque jour ofre un scénario, une fiction, un film. Avec zéro recul, un degré de certitude déconcertant, des liaisons abracadabrantes, des conclusions loufoques tirées de prémisses invérifiables. Un « on dit » suffisait pour faire éclater des combats d’arguments où le but est d’en aligner le maximum, en supposant avec une naïveté génératrice de satisfaction infantile, que l’interlocuteur est exposé pour la première fois à de telles élucubrations. Si toutefois les sciences humaines s’avèrent être les sciences de l’intuition, comment diable peut-on être convaincu de ses propres conjectures ?

Les statuts d’analyse sur Facebook deviennent une marchandise, gratuite certes, mais produite en série grâce à son uniformisation, conduisant à l’uniformisation de celui qui la reçoit. Les avis, les couleurs, les courants des différentes strates sociales, feignent la diversité d’opinion. En réalité, il ne s’agit que de producteurs qui uniformisent des masses, qui se chamaillent entre elles pour qui uniformisera l’autre : l’objet change, le système reste. Le consommateur devient passif, soumis et aliéné comme dans un régime totalitaire, où le producteur également devient l’esclave de ceux qui l’écoutent pour se rassurer mutuellement et se maintenir dans cet état d’hypnose où le souci est de transmettre ce qui est utile et non pas ce qui est vrai.

C’est pourquoi, dans la Rubrique Cultiv’Art , l’article  » سواد صوف عل بياض صلصال » , nous transportera dans un voyage authentique au temps où l’on cherchait sincèrement à s’abreuver de ce qui est à la fois vrai et utile.

Comment les plessimètres de la Nation peuvent-ils en arriver là ? Etre aussi clivés et clivants ? La certitude ? Mais laquelle ? La certitude du néant dans la production du vide ? La pondération est quasi absente, la réserve inespérée, le doute un affront pour celui qui veut « avoir raison », en ayant raison de la raison.

En conséquence, la rhétorique s’hypertrophie à mesure que la vérité ou la vraisemblance s’atrophient. Face à un fait, la rhétorique étudie les alternatives de ce qui pourrait être (ou ne pas être), de sorte que le rhé teur puisse défendre toutes les idées possibles, mêmes celles qui sont opposées.

L’alternative proposée à l’étude des alternatives est : la dialectique. Contrairement à la rhétorique, la dialectique ne cherche pas à convaincre un groupe particulier mais à dégager des principes généraux et les conclusions qu’elle apporte ne permettent aucune certitude. Quand la rhétorique cherche, dans ses conclusions, à effacer un problème pour apporter une solution rassurante, consolante et surtout utile, la méthode dialectique aide seulement à englober et à dominer le sujet pour le rendre moins explosif et moins polémique, sans tenter d’effacer le problématique, qu’au contraire elle met à nu, pour mieux le voir. Dans la dialectique la vérité et la justice sont une fin alors que dans la rhétorique elles ne constituent que des alternatives.

En ce qui concerne la Rubrique Livroscopie, il est question d’un autre type de combat pour la vérité et la justice à travers l’article « Frantz Fanon – L’An V de la Révolution Algérienne », et une critique des dérives du développement scientifique « Technique & Civilisation – Lewis Mumford », notamment l’autodestruction de la raison ; la dialectique de la raison qui se retourne contre elle-même.

Une alternative ? La méthode dialectique ? La méthode scientifique ? Une autre méthode ? Même pas ! Supposer le doute et admettre sa faillibilité suffiraient. Pas le doute sécurisant, qui rejette tout et dispense de réfléchir, mais le doute provisoire, méthodique qui cherche à être dépassé. Vingt-cinq siècles déjà que Platon affirme que la vérité n’est pas de ce monde et que Socrate prône la recherche de la vérité derrière la pluralité de ses formules apparentes, alors que Descartes appelle à la suspicion. Le savoir, au final, ne doit pas être une marchandise à accumuler mais doit émanciper celui qui le reçoit et celui qui le propage contre la raison qui devient totalitaire. Embrasser une opinion et faire un choix tout en comprenant voire excusant celui qui a fait le choix opposé. Le choix fait, le parti pris, l’opinion exprimée, teintés d’un doute confessé à autrui, rendent les positions humbles, douces, tranquilles et surtout hostiles à l’extrémisme.

Ainsi, nous rêvons du jour où nous ne serons plus satisfaits de la justesse de nos vues, nos analyses ou nos prédictions quand la moitié du peuple semble être dans le faux…

Pour conclure, ces lignes n’ont pas la prétention d’apporter des réponses ou des solutions, encore moins une vérité. Il ne s’agit que de questions et d’idées.

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